“Cosi fan Tutte”, de Mozart. Direction Emmanuelle Haim et le Concert d’Astrée. Théâtre des Champs-Élysées

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Ecrit par Praskova Praskovaa

Avr 2022

Transports amoureux à la française !

Et pourquoi pas ? Série de joutes amoureuses cocasses, dans un studio d’enregistrement. C’est le propos choisit par Laurent Pelly qui présente une mise en espace minimaliste et inédite de ” Cosi fan tutte “. Au demeurant, celle-ci permet de se concentrer sur l’essentiel : la musique, le texte, et les prouesses vocales pour un moment de pur plaisir.

Cosi fan tutte est certainement, une des merveilles musicales de Mozart. Elle demeure aussi, par sa longueur et sa complexité vocale, un Everest. La version présentée est celle de l’ensemble baroque “Le concert d’Astrée”, dirigé par la cheffe Emmanuelle Haim.

Ici, on dira plutôt que l’exploit réside dans l’excellent plateau de solistes. Sans aucunes inflexions baroques, ces chanteurs lyriques français ont accompli un travail technique et musical absolument impeccable. Les rôles marqués par des timbres attractifs, et des personnalités aux compétences indéniables, soulignent une belle homogénéité tout au long de l’œuvre.

La mise en scène formelle et épurée de Laurent Pelly, magnifie étrangement l’action dramatique par une approche incroyable du texte. En effet, l’interprétation des récitatifs anticipé par des salves brèves d’accords au clavecin, est exprimée ici, dans un souffle théâtrale burlesque fluide et drôle. L’ensemble fleurant bon la Commedia dell’arte.

Le synopsis des mots monopolise notre attention sur l’essentiel :  le livret et la musique. Dans cette mise en espace proche du concert ou en effet, de celui d’un enregistrement, on se projette immédiatement au cœur de ce vaudeville charmant. Chaque artiste défend le caractère de son personnage avec fougue.

Le couple de garçons, mis à mal par la prestation scénique muette de Florian Sempey (Gulliemo), sans voix ce jour-là, est remplacé vocalement au pied levé, par Robert Gleadow. Celui-ci arrive tout droit de Barcelone, afin de sauver la représentation.

Ce nouveau venu assure son travail vocal sans encombre, en fond de jardin, sans perturber outre mesure l’action, ni son alter ego. Cyrille Dubois (Ferrando), lumineux et tendre, nous offre en parallèle de beaux frissons sur les piani délicats de son Aria « Una aura… ». Il affronte sa prestation avec vaillance, dans ces conditions quelque peu inédites.

Le couple féminin, très soudé, présente une Dorabella très solide (Gaelle Arquez). Pourvue d’un timbre charnu et d’un soutien dense, elle propose une aisance vocale immédiate, et se déploie avec assurance. La Fiordilidgi de Vannina Santoni peine un peu dans la justesse du premier duo, aux vues de la tessiture immédiate a engagé dans le haut médium. Un Début incertain qu’elle rétablit avec un supplément de technique et de métier, jusqu’à se révéler farouche, voir excellente dans ses deux arias. Un bel investissement. Néanmoins, elle reste une couleur remplaçable au cœur de cette distribution. Il aurait été judicieux de choisir un soprano plus céleste, afin d’élargir par les extrêmes ce quatuor de jeunes amants fougueux. Élevant ainsi la clarté par le haut, et amplifiant la profondeur et la densité du grave, (offert à l’origine par Florian Sempey), malheureusement muet ce jour-là.

La Despina de Loren Paternò reste, à mon sens, la révélation prometteuse de cet ensemble. Coquine et potache à souhait, elle affronte avec maestria les lignes vocales écrasantes du rôle, avec une efficacité galvanisante. Comme la tradition l’exige, elle Modifie son élocution vocale avec humour dans les pastiches du docteur et du notaire. Cette voix jeune, au timbre frais, au vibrato touchant, annonce une carrière fulgurante à suivre.

Enfin, Laurent Naouri, garde sa superbe en campant un Don Alfonso de composition, remarquable de verve.

 Cosi fan tutte | © Praskova

Concernant l’orchestre, l’investissement du Concert d’Astrée reste discutable par une succession de hauts et de bas, parfois vagissants, qui accentuent malheureusement le déséquilibre entre le niveau de la distribution vocale, et celui de l’accompagnement : cors incertains d’intonation, accords instrumentaux aux diapasons divergents, etc. Tout cela, ayant duré « plus que raisonnablement », comme dirait mon cher ami André. La direction surprenante d’Emmanuelle Haîm, reste approximative, notamment dans les coupures de souffle, ou des modifications étranges de tempi apparaissent.

Paradoxalement, ces petites incertitudes de la formation, mettent en valeur l’expression vocale dramatique de l’œuvre, dans un libre cours fulgurant des voix et des dialogues et ce, à défaut d’un surplus de carrure orchestrale.

Un opéra génial de Mozart, engageant un exploit vocal des solistes avec des rôles titanesques, comportant de grandes difficultés techniques. Finalement beaucoup de bonheur, malgré un dénouement tardif pour nos jambes…

Praskova Praskovaa

 

Cosi fan Tutte, de Wolfgang Amadeus Mozart

Livret de Lorenzo Da Ponte

Créer le 26 janvier 1790 à Vienne

Direction – Emanuelle Haîm
Mise en scène et costumes – Laurent Pelly

Distribution 
Fiordiligi – Vanina Santoni
Dorabella – Gaelle Arquez
Ferrando – Cyrille Dubois
Guglielmo – Florian Sempey
Don Alfonso – Laurent Naouri
Despina – Lorene Paternò

Le Concert d’Astrée
Chœur Unikanti | direction Gaël Darchen
Opéra chanté en italien, surtitré en français et en anglais
Théâtre des Champs-Élysées

Théâtre des Champs-Elysées

8, Avenue Montaigne

75008 Paris

Représentations : 9, 12, 14, 16, 18 mars à 19h30 et 20 mars 17heures

Tel : 01 49 52 50 5

Réservations :

https://www.theatrechampselysees.fr/saison-2021-2022/opera-mis-en-scene-1/cosi-fan-tutte-2

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