Nicola Alaimo, scéniquement époustouflant
La saison lyrique de Montpellier s’achève en beauté avec une production de « Falstaff » jeune, plantureuse, dynamique et inspirée. Véritable chant du cygne de Verdi, c’est avec la connivence de son librettiste Arrigo Boito à prés de 80 printemps, et inspiré par ce nouveau livret de Shakespeare « Les joyeuses commères de Windsor » que le maître renouvelle avec talent son style d’écriture orchestrale et vocale. Alors qu’il semblait avoir donné la quintessence de son art dans la dramaturgie musicale d’Othello produit six ans plus tôt, il réalise cette comédie ubuesque en y ajoutant une touche d’humour personnelle, forme de pied de nez à sa vie et à son génie.
Ici, la distribution est parfaitement homogène marquée par le duo sexy et irrésistible de Nicola Alaimo, jeune baryton de 29 ans à la stature insolente qui s’approprie le personnage de Sir John Falstaff en maître absolu, et sa compagne de scène ronde à croquer, Ursula Ferri en Mrs Quickly digne d’un tableau de Botero.
Nicolas Alaimo | © Praskova
Avec cet imposant Falstaff dans le rôle titre, mimant avec panache sa noblesse déchue, scéniquement époustouflant, on respire, on sourit, on rit. On profite aussi pleinement de l’autorité naturelle de sa diction et de la densité dramaturgique du texte. De la vigueur de sa puissance vocale « Onore ! Laddri… » – au timbre lumineux et dépouillé de sa canzonetta susurrée à Mrs Ford, cet artiste à la voix exceptionnelle se joue des difficultés de la partition…
Il nous enchante par son élégance outrée, tout en ébauchant quelques pas de danse souple à pieds nus, en caressant dans un ravissement extrême son ventre proéminent qui semble le rassurer. L’engagement vocal et physique dont il fait preuve, tant dans la compréhension musicale de l’œuvre que dans la qualité de son jeu d’acteur, nous emmène au tréfonds de la déchéance humaine mais. Et nous fait aussi découvrir une grande figure du lyrique à l’aube d’une immense carrière. Un nom à retenir !
Sa complice féminine, à la gorge profonde et aux rondeurs exquises, est divine dans une tenue vert fleuri ajustée à ses formes. Coiffée d’une toque en fourrure blanche, elle use de ses charmes moelleux pour nous entraîner dans un jeu de scène hilarant. Dotée d’une tessiture incroyable et d’une couleur mezzo veloutée, elle enchaîne les effets vocaux avec une aisance sensuelle. Un vrai plaisir !
Le reste de la distribution est parfaitement conduit par l’action et le jeu. Egueniy Alexiev, baryton – basse au timbre radieux et au charisme envoûtant, nous fait partager sa ferveur de père dans le monologue de Ford. Le quatuor des femmes chante à merveille, charmant et virevoltant. Fuionnuala Mc Carty est enjouée, avec une projection vocale dynamique et lyrique ; Nona. Javakhidze Meg Page est parfaite ; Guylène Girard est exquise, cristalline à souhait. Sa couleur se marie parfaitement avec celle de son amoureux (Fenton), campé par le jeune ténor au timbre lumineux Sébastien Droy, qui mérite une mention spéciale et nous a offert un récital de toute beauté le jour suivant à la salle Molière.
La mise en scène d’Eike Gramss metteur en scène chevronné habitué des ouvrages de Verdi est une vraie réussite. Le jeu des acteurs a été savamment mise en place, et la crédibilité des personnages de cette comédie burlesque est éclatante de drôlerie et de bon sens.
Avec un décor minimaliste, soit un ring de bois surélevé, tel un pont entouré par des toiles aux formes de voiles, l’action se déroule dans une espèce de divagation comique. Les costumes de mauvais goût et de couleurs vives vont du S.D.F punk, au kilt de Falstaff, en passant par une équipe de base-ball en orange hilarant et des robes de mariées au look Tati. Ce style anglo-saxon déjanté un peu exagéré ajoute une touche kitch à l’ensemble finalement « very British ».
Comment ne pas parler de l’excellent orchestre de Montpellier et du retour prodigue de Friedmann Layer pour l’occasion (celui-ci ayant été chef titulaire à l’opéra pendant 13 ans).
Attentif au plateau, et aux chanteurs, mais dans une battue quelque peu évanescente, il nous fait redécouvrir cette musique à l’orchestration continue et chatoyante ne gênant à aucun moment ni l’action, ni le texte, ni le flux des voix, qui annonce par sa modernité l’arrivée de Puccini. ¶
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Falstaff, de Guiseppe Verdi
Comédie lyrique en trois actes
Livret de Arrigo Boito, d’après les Joyeuses Commères de Windsor de William Shakespeare (1597)
Créée au théâtre de la Scala de Milan, le 9 février 1893
Production du Stadttheater de Bern.
Direction musicale : Friedmann Layer
Mise en scène : Eike Gramss
Distribution :
Nicola Alaimo, Sir John Falstaff
Evguenyi Alexiev, Ford
Fuionnuala Mac Carty, Alice Ford
Guylaine Girard, Nannetta
Sébastien Droy, Fenton
Loïc Félix, Bardolfo
Marc Mazuir, Pistola
Enrico Facini, Dr Cajus
Ursula Ferri, Mrs. Quickly
Nona Javakhidze, Meg Page
Décor et costumes : Christoph Wagenknecht
Orchestre National de Montpellier Languedoc- Roussillon
Chœur National de l’opéra de Montpellier et du Languedoc-Roussillon
Chef de chœur : Noëlle Genny
Représentations à l’Opéra Comédie
Le 7 juin 2009 à 15 heures, les 9 et 12 juin 2009 à 20 heures,
Le 14 juin 2009 à 15 heures et le 16 juin 2009 à 20 heures
De 60 € à 18 €





