« Sancta Suzanna » de Hindemith,« Le château de Barbe-bleue » de Bartok. Direction musicale Alain Altinoglu. Mise en scène Jean-Paul Scarpitta. Opéra Berlioz, Montpellier.

barbebleue_montpellier

Ecrit par Praskova Praskovaa

Avr 2009

Bartok, Hindeminth, Altinoglu, Scarpitta

 

Le Corum ose une programmation rare, n’en déplaise à certains, René Koering veille au grain. Il dérange et enchante son public avec deux œuvres majeures expressionnistes du XXe siècle : direction, mise en scène et plateau vocal, que du beau monde !

La mise en scène de Jean-Paul Scarpitta nous offre ici une version épurée des deux pièces. Elle réside dans un jeu d’acteur magnétique, perdue dans un espace de belles mouvances lumineuses cinématographiques.

Suzanna est interprétée par une religieuse au paroxysme du désir. La magnifique Tatiana Serjan étourdissante de sensualité et de vocalita, succombe à son fantasme dans un tableau clair-obscur dépouillé. A ses côtés, karen Huffstodt puissante et anxieuse déverse son chant avec fougue. Un décor minimaliste ordonne l’espace : une croix de guingois se tordant vers le ciel dans un spasme, et un cierge phallique évocateur. La vision esthétique s’articule autour des allées et venues de jeunes amants dénudés. Un jeu de lumières se déplace sur les visages et les personnages, un peu comme une caméra qui filme l’action. Le désir charnel et une forme de pulsion morbide se côtoient dans cet univers musical mystique et onirique. On regrettera juste le décalage entre la projection vocale des deux solistes avec l’orchestre, et celle des pauvres choristes religieuses peinant à se faire entendre au summum de leur articulation. Les couleurs subtiles et puissantes distribuées par la phalange de Montpellier menée par la baguette souple et impérieuse d’Alain Altinoglu est un bonheur. Pour cette première saison en tant que chef invité, il marque de son aura cette production.

Concernant le Château “imaginaire” de Barbe-bleue, la mise en scène se déploie dans un théâtre de l’esprit. Entre rêve et symbolisme, elle ne se décrypte que par l’apparition de tubes lumineux représentant sept portes fermées qui avivent le fantasme. L’essentiel est dans l’attirance fusionnelle du couple et la curiosité insatiable de la femme. Nora Gubisch en Judith, dotée d’une voix chaleureuse aspire l’espace et se révèle ici formidable tragédienne . Barbe-bleue ( Sir Willard White), somptueux baryton-basse affiche une présence magnétique et rend l’atmosphère hautement électrique. Ils forment, ensemble,  un couple vocal harmonieux.

La direction effervescente et précise d’Altinoglu génère des atomes fusionnels, tout en prenant soin des chanteurs et de l’action. Les plongeons orchestraux, les tempi, les couleurs, et les nuances s’effectuent dans une symbiose de générosité et d’équilibre,  Finalement, malgré un public perplexe et stratifié en première partie de concert, ce dimanche de pluie finira en apothéose lyrique, au travers d’un voyage de lumières. Bravo, on en redemande. Des œuvres et des voix. « Message in the bottle », pour, espérons-le, l’avènement du nouvel intendant de Montpellier, Jean-Paul Scarpitta !

 

Praskova Praskovaa

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