La Légende de sainte-Élisabeth La Légende de sainte-Élisabeth » Oratorio de Franz Liszt. Direction Alain Altinoglu, Opéra d’Avignon.

Orchestre d’Avignon-Provence en Corée | © X D.R.

Ecrit par Praskova Praskovaa

Jan 2011

La légende de saint Altinoglu

 

C’est à l’occasion du bicentenaire de Franz Liszt, que l’Orchestre d’Avignon Provence mené tambour battant par son délégué général, Philippe Grison affiche « La Légende de sainte Élisabeth » de Franz Liszt. Une partition complexe, peu jouée, qui nécessite une collaboration artistique délicate et audacieuse pour un effectif important : le chœur de l’Opéra d’Avignon, le chœur régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, la maîtrise du théâtre, huit solistes et ce bel orchestre en pleine évolution qui sont rassemblés ainsi sous la baguette prestigieuse d’Alain Altinoglu.

Composé sur un livret d’Otto Roquette, dédié au duc Louis II de Bavière, cet Oratorio de Liszt, moins connu que son Christus retrace la légende de sainte Élisabeth, patronne de la Hongrie. Cette longue pièce en deux actes, dont six tableaux, a été présentée ici sans coupures, occasion inespérée de l’entendre en entier. Mais était-ce bien raisonnable ? En effet, son écriture dans la grande tradition des fresques historico-romantiques du XIXe lui confère un aspect emphatique, notamment dans la première partie qui s’enlise, et dure et dure… Le texte se déploie dans un souffle épique surchargé et désuet, faisant figure également de pâle brouillon sur le plan de l’Orchestration. Sait-on que Liszt s’en débarrassait aisément auprès de ses élèves ?

Rendons donc rendre grâce au talent du chef. Sa vivacité et sa précision gestuelle galvanisante pour l’ensemble du plateau, voire du public, a permis en effet d’homogénéiser une composition aussi hétéroclite, et de capter durablement l’attention de tous. C’est un exploit réside car il imprime une vibration continue à cette pâte sonore aussi alambiquée soit-elle, alliant la transparence mystique de l’écriture du plain-chant luthérien à un enchevêtrement polyphonique vocal et instrumental de sons épars. Pour exalter la nature, les sentiments, le patriotisme, la dévotion, etc., tout y passe ! Des traits bucoliques des flûtes au leitmotiv languissant du violoncelle solo, des chœurs allégoriques et célestes aux propos – curieusement confus –  de solistes venant ponctuer cet écheveau de sons et d’histoire. Tout cet embrouillamini fait figure de remplissage, et ne parvient pas à donner à cette première partie l’éclat sonore escompté.

Cet univers de bravoure et de mysticisme

En trois tableaux, les enfants héroïques – Pauline Nachmann (Élisabeth) et Augustin Mathieu (Ludwig) – font une prestation express, où ils défendent leurs rôles avec ferveur. Le solide Marc Barrard (Ludwig adulte) est sobre, sans affect, avec quelques dérapages d’intonations. C’est un rôle qui aurait pu être certainement attribué au jeune Chul Jun-Kim réduit à un passage éclair, mais souple et chatoyant dans le rôle d’Hermann. On notera par ailleurs, les interventions honorables de la masse chorale cherchant à se fondre dans cet univers de bravoure et de mysticisme, qui se bonifie au cours de la représentation par de belles envolées lyriques enfantines cristallines et articulées de la maîtrise.

Dès le début de la seconde partie, l’orchestration et la ligne de chant s’épanouissent enfin. Elles se libère soudain musicalement au cœur du drame, et nous offrent une impression de clarté, un dynamisme, une palette de couleurs et d’effets orchestraux revitalisants. L’entrée fracassante de la soliste Nora Gubisch, en Comtesse Sophie, donne le ton. Dotée d’une technique de projection performante, elle impose son lyrisme dans une rondeur veloutée et puissante, avec des aigus resplendissants. Son jeu n’est pas en reste. Drapée dans sa dignité farouche, tragédienne même lorsqu’elle quitte la scène de devant, elle donne ainsi à cette œuvre une dimension opératique. Liszt, qui ne voulait pas faire de mise en scène sur cette partition, aurait-il aimé ? Oui, cette artiste est éclatante !

Dans le rôle-titre, l’Élisabeth de Christina Dietzsch, pourvue d’un physique altier avantageux, sied parfaitement au rôle. Son timbre lumineux, très wagnérien (Une Elsa en devenir), donne à sa prestation de l’élégance et de la musicalité. Il est néanmoins dommage, que son émission un peu trop restreinte et couverte ne lui permette pas d’épanouir techniquement ses aigus. Son chant du cygne dans une couleur ascendante presque désincarnée, reste un moment fort de cette réalisation. La qualité attractive des trois dernières scènes réside aussi dans l’alternance ingénieuse de chœurs, et de passages symphoniques brillants. L’orchestration à connotation berliozienne, notamment dans « l’Orage », offre la part du lion à la phalange d’Avignon et à la centaine de choristes sous-hypnoses qui se déchaînent sous la baguette houleuse d’Altinoglu.

Praskova Praskovaa

Les Trois Coups

 

La Légende de sainte Élisabeth, de Franz Liszt

Dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Franz Liszt

Oratorio de Franz Liszt, éditions musicales Peters

Première audition en Avignon

Direction musicale : Alain Altinoglu

Orchestre d’Avignon-Provence :

Délégué général : Philippe Grison

Direction de la maîtrise : Florence Goyon-Pogemberg

Direction des Chœurs : Michel Piquemal, Aurore Marchand

Etudes musicales : Sylvain Souret

Élisabeth : Christina Dietzsch

Comtesse Sophie : Nora Gubisch

Élisabeth enfant : Pauline Nachmann

Ludwig enfant : Augustin Mathieu

Ludwig: Marc Barrard

Hermann: Chul Jun-Kim

Frédérik II : Jean-Marie Delpas

Le Sénéchal – Un magnat hongrois : Olivier Heyte

Régie surtitrage : Sabine Sendra

Coréalisation : Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse,

Orchestre d’Avignon-Provence, Musique Sacrée en Avignon

Opéra d’Avignon • 1 rue Racine. 84000 Avignon

Réservations : 04 90 82 8140

http://www.orchestre-avignon.com/

http://www.operatheatredavignon.fr

Samedi 15 janvier 2011 à 20 h 30

Durée : 2 h 30

35€ | 10 €

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