Dans la loge de Kazuki Yamada.. Le chef d’orchestre deviendra à compter de la saison 2026/2027, chef principal et directeur artistique du Deutches Symphonie-Orchester Berlin ( DSO) pour une durée de trois ans.

Kazuki Yamada

Ecrit par Praskova Praskovaa

Mai 2025

Un rêve minuscule

 

C’est à l’occasion de la cinquième édition du concours international de chefs d’orchestre Evgeny Svetlanov à Monte-Carlo, que nous rencontrons Kazuki Yamada directeur musical et artistique de la Philharmonie. Ce chef, très apprécié des scènes internationales qui cumule nombre de fonctions, a connu un parcours exceptionnel. Il se présente ici comme un membre du jury à l’écoute de jeunes chefs talentueux qui concourent. Chef permanent de l’orchestre Philharmonique du Japon, directeur musical du Yokohama Sinfonietta et directeur musical du Chœur Philharmonique de Tokyo, il sera conseiller artistique et directeur principal de l’Orchestre de Birmingham en 2023.

Réservé mais accueillant, il s’exprime d’un ton feutré dans un sourire énigmatique désarmant. Dans son visage clair comme celui d’un enfant, percent des yeux pétillants. Altruiste c’est avec générosité qu’il dévoile peu à peu la ferveur de son tempérament et l’engagement de sa quête artistique.

Praskova – Maestro bonjour, actuellement jury du concours international de chefs d’orchestre Evgeny Svetlanov , que pensez-vous du rayonnement de cette manifestation et du niveau des 18 candidats retenus ?

Kazuki Yamada – C’est un bonheur. Au tout début, j’ai été un peu surpris du niveau des candidats d’une très grande qualité. Vraiment attractif. Les 18 participants ont chacun leur manière de faire, leur propre technique et leur propre conception musicale. Je l’ai constaté. Ils ont eu un laps de temps très court. Durant 20 minutes, même les moins performants ont pu montrer comment ils créaient la musique et comment ils installaient la confiance entre eux et l’orchestre.

C’était vraiment intéressant, parfois étonnant mais en tant que jury nous devions choisir et ce ne fut pas si facile. Je me réjouis d’ailleurs de suivre la suite, nous verrons qui choisir.

Praskova – Que pensez-vous de cette opportunité pour la phalange de Monaco et de son interaction dans ce contexte particulier ?

kazuki Yamada – A vrai dire , maintenant c’est un peu comme un supplice, mais l’orchestre accomplit un travail fantastique. Les musiciens se démènent, voulant suivre et supporter les candidats à 100/100.

Il faut comprendre que pendant cette compétition ce ne sont pas uniquement les candidats qui progressent, mais l’orchestre aussi, qui s’adapte et se développe. Comment réagir aux différentes façons de diriger, comment changer immédiatement d’énergie, sentir la profondeur d’une ligne mélodique, mais pas trop et tout ce genre de choses. En définitive, je suis très fière du résultat et d’une telle flexibilité de la part des musiciens. C’est un beau projet qui se réalise, c’est très encourageant pour nous tous. Je suis touché par leur implication.

Praskova – En 2009, vous remportez le 51 Concours de chefs d’orchestre de Besançon, quel est la nécessité de tels concours et quel impact peuvent-ils avoir sur une carrière ?

Kazuki Yamada – Si je me rappelle avec justesse, l’un des candidats actuel François Lôpez – Ferrer a également gagné cette compétition il y a une dizaine d’année. Aujourd’hui, au premier tour il n’a pas été retenu par le jury. Une situation très délicate, mais que cela peut-il vouloir dire. Un exemple dont il faut tirer un enseignement. Normalement beaucoup de jeunes chefs pensent que s’ils remportent un concours, ils vont diriger dans la foulée de grands orchestres étrangers. Ce n’est pas certain. Ainsi, lors de ma propre expérience, ce ne fut pas le cas et malgré ce beau challenge envers moi-même et l’aide apportée par le concours de Besançon, cadeaux et concerts, il n’y avait pas vraiment de travail. Les concours n’étant qu’une étape d’un cheminement certain, J’ai pu comprendre que pour faire cette carrière il est impératif de trouver quelqu’un qui croit en vous. Un agent sur, afin d’être soutenu.

Praskova – Quelles sont, selon vous, les taches et les responsabilités auxquelles un chef doit faire face et les qualités nécessaires pour faire ce métier ?

Kazuki Yamada – Bien sûr, le travail de chef d’orchestre est très prenant et très varié. Vous créez la musique et il faut toujours s’améliorer. Par moment vous devez trouver la bonne atmosphère, pas uniquement pour la musique, mais aussi pour aider les musiciens qui peuvent être fatigués. Comment générer cette motivation pour faire évoluer l’orchestre ? Cela est une des tâches d’un directeur musical et tout cela est normal. Cependant cela devient plus délicat lorsque nous devons trouver des partenariats ou des sponsors. Aux États-Unis par exemple, la vie des chefs est très dure. Après chaque concert, il y a des fêtes avec du beau monde ou vous devez vous rendre pour trouver des financements.
Ici à Monaco, tout est tellement plus rassurant et fluide, bien que je sois très occupé. Il faut penser et faire. Maintenant c’est le temps de la compétition Svetlanov, je suis membre du jury, concentré sur la prestation des candidats.
Finalement, ce qu’il y a de plus simple est de préparer un concert. C’est évidemment un point essentiel, car nous devons réaliser cela. Nous connecter et appréhender quelque chose de magique pendant les répétitions. Trouver la chimie idéale.

Pour cela, nous devons beaucoup apprendre et pas seulement en musique. Lire des partitions avec attention, ce qu’il y a plus simple, mais également nous cultiver. Cela demande beaucoup de connaissances sur la nature, la science, la société et la philosophie. Tout ça peut nous connecter à la musique. C’est ma façon de voir les choses, celle de me fondre dans un autre espace. Je dis toujours que j’ai besoin de ressentir la température, le parfum et la couleur de la musique qui a besoin de ces trois éléments. Mais comment l’obtenir alors que la partition n’est faite que de blanc et de noir. Ceci vient à mon sens en cultivant la curiosité, afin d’exprimer la personnalité de chacun. En percevant ces choses, cela peut peut-être marcher. Tout ce qui concerne l’orchestre est réglable. C’est le bon tempo, oui, non… c’est trop vite, pas assez, piano, forte etc. Cependant je veux aller plus loin et entendre de cette octave un arc en ciel… Bien sûr, il est possible de diriger totalement d’une manière didactique, mais pour moi-même il me faut de la fantaisie. En définitive, je veux faire un miracle, mais pas seulement pour moi-même, car il y a d’immenses chefs comme Abbado à Berlin, Zubin Metha ou Herbert Blomstedt qui le font parfois pour eux-mêmes. Moi, je ne peux pas, j’ai besoin du feeling de l’orchestre, de sa puissance et aussi du public pour y parvenir. Personne d’ailleurs ne sait comment y arriver, mais je veux toujours essayer.

Avant de faire tout ça, je réalise pendant cette compétition que la musique devrait être une conversation d’âmes à âmes. Si le chef montre son esprit et son cœur à la phalange, il aura en retour sa sympathie issue de Symphonie. Elle lui dévoile alors son esprit et son cœur et cela crée une conversation. C’est ma philosophie, mais comment lire ou découvrir cette atmosphère mystique ?

Praskova – Quel genre d’enfant musicien étiez-vous, quel fut votre premier émoi musical ?

Kazuki Yamada – Au tout début il y avait un piano à la maison et j’étais probablement curieux. J’ai commencé à apprendre vers 5 ans. J’étais aussi dans un chœur d’enfant et j’adorais chanter c’était inné, mais alors que j’adorais le piano je détestais le travailler. Après avoir mué vers 15 ans, ce qui est la destinée des hommes et même si je voulais continuer, je ne pouvais plus rester dans le chœur car ma voix s’élargissait dans le grave. Mon professeur voyant mes difficultés m’a dit simplement « Dirigez, s’il vous plaît… Je suis fatiguée de le faire ». Ce fut une bonne chose, car j’ai commencé à diriger le chœur. À cette époque, j’étais plus mûre et j’ai vraiment voulu m’engager dans la musique… J’ai pris des cours de piano, et cette fois je me suis beaucoup investi. Après, lors de mes études supérieures, il y avait un club avec une Harmonie dont je suis devenu percussionniste. Je n’étais pas extraordinaire mais j’ai beaucoup appris. Je jouais de la batterie, des timbales, du xylophone, du vibraphone, des cloches, des congas et du Marimba. L’Harmonie était toujours dirigée par les étudiants et chaque année il fallait sélectionner un nouveau chef. Je suis donc aussi devenu le chef d’une Harmonie. Je ne pensais pas devenir musicien car je savais que cette vie-là était très difficile pour survivre financièrement. Peu de gens y arrivent, mais j’imagine qu’ils n’ont pas assez de talent. J’avais donc 17 ans lorsque le professeur du chœur me proposa de diriger un orchestre pour un temps très court. : « Puisque vous dirigez aussi une fanfare, pourquoi ne pas essayer un orchestre ? » On me proposait 10 minutes d’intervention à la fin d’un concert lors d’un rappel de rideau nécessaire pour le chef principal. C’était un petit orchestre mais très professionnel et j’avais dix minutes. Dix minutes de trac, dans une sorte d’extase sans vraiment toucher le sol. Mais je pensais, peut-être, peut être que je pourrais devenir chef d’orchestre. Et j’ai travaillé. Ce fut une expérience miraculeuse.

Praskova – En 2023 vous prendrez la direction de l’orchestre de Birmingham, quelle sera la couleur de votre programmation ?

Kazuki Yamada – Là, Oui Birmingham est un orchestre inouï. C’est un rêve. Seigneur, Simon Rattle, Sakharov, Nelsons y étaient et à présent c’est moi ! J’ai immédiatement réalisé que je prenais la direction d’un des meilleurs orchestres du monde. C’est un peu comme si vous alliez au bal, ou quelque chose en ce sens. Nous pourrions aborder beaucoup de répertoires, mais nous n’en ferons pas autant que ça. Je fais du répertoire anglais : Helgar, Holst, Britten, car débutant avec eux comme chef, j’ai vraiment besoin de me plonger dans leur culture.

Praskova – Quels sont vos liens de prédilections avec la France ?

Kazuki Yamada – Réellement, J’aime la France, mais comment expliquer cette sensation. J’aime l’esprit français qui n’est pas l’esprit anglais qui lui est le « Spirit ». Ce n’est pas du tout la même chose pour moi, ce n’est pas le même mot. L’esprit français inclus beaucoup de lignes mystérieuses. Je peux apprécier la culture française et son histoire qui a de véritables connexions avec l’histoire du Japon de la moitié du dix-neuvième siècle qui se déversa aussi sur l’Europe. C’est pourquoi Puccini écrivit Mme Butterfly et Debussy fut inspiré par les impressionnistes. Cela a été effectué de la culture japonaise vers la culture française. C’est donc ici qu’apparaît le fondement de mon esprit. Après, Ravel et Debussy ont fait l’effort de se tourner vers les États-Unis et le Jazz. C’est une chose absolument merveilleuse ces interactions entre les cultures japonaise, française, américaine qui se mélangent et de revenir par la suite sur la culture africaine. Ce pot-pourri de couleurs et de sensations est très important pour diriger des œuvres et notamment la musique française. Malgré tout, même si un chef n’a pas exactement le bon esprit mais que l’orchestre l’a, il peut réussir. Par exemple, je suis japonais, je n’ai pas toujours le bon esprit mais je peux le ressentir et parvenir à l’obtenir de l’orchestre. C’est l’harmonie du sang.

 Praskova – Avez-vous un rêve maestro ?

Kazuki Yamada – Toujours, … Oui, pour moi, peut-être un jour Bayreuth, Berlin ou le Philharmonique de Vienne, Pelléas, ce genre de choses, mais c’est si loin.

Non. Maintenant, nous ne pouvons pas penser qu’à nous, il y a plus important. La musique doit réellement apporter l’harmonie, quelquefois même de pays à pays. Pour la Russie et l’Ukraine c’est très difficile, on est parfaitement d’accord, mais il y a d’autres endroits qui vivent les mêmes peines : l’Inde et le Pakistan, Israël, le Japon et la Corée etc. L’harmonie, elle, n’a pas de frontières on peut la vivre à travers la musique. D’ailleurs quand les gens ont une expérience extraordinaire avec la musique, il n’y a plus aucune ligne de démarcation. Mon approche n’est pas politique et mon rêve est minuscule. Partageons et gardons cette harmonie. Et de mon autre main, je dirais : « Take it easy ! ».

 

Praskova Praskovaa

 

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