Buffa ou Séria, que d’effervescences solaires !
Un Pur bonheur musical pour ce dimanche électoral. C’est dans l’écrin intimiste de la Comédie de Montpellier, que Michel Fau nous fait découvrir sa mise en scène « d’Ariane à Naxos ». Une œuvre singulière de Richard Strauss, ou la richesse harmonique orchestrale et la virtuosité vocale s’entremêlent.
Sous la direction raffinée de Christian Arming, l’incroyable flot musical se déverse de l’O.N.M. en formation réadaptée pour cette occasion. Cette première magnifiée par une mise en scène assez classique, mais flamboyante de Michel Fau est une réussite. On y retrouve son goût certain pour les perruques, les perruches et les tenues de travestis bigarrées. Cependant, ce déploiement de couleurs éclairant le plateau, apporte une forme d’unité à ce livret qui jongle entre le séria et le buffa. C’est Daniel Belugo qui signe les costumes, et Pascal fau le maquillage. Un feu d’artifices en clair-obscur, dont la pétulance crée une atmosphère appropriée au divertissement, et au drame.
Entre déchirements lyriques, virtuosité et frivolités carnavalesques, l’orchestration du grand maître offre une texture harmonique dense. Sans jamais s’appesantir sur un ton romantique exacerbé trop continu, Strauss nous entraîne dans son sillage, en fluidifiant sans cesse l’action par l’élan orchestral. L’orchestre et les voix s’émeuvent en continue : du trait lyrique ascendant renversant, aux vocalises affolantes accentuées par une succession de salves rythmiques crépitantes.
Toutes les qualités de cet ensemble se confondent., L’équipe vocale harnachée de plumes, est mise en exergue par des costumes magnifiques. Il est vrai qu’ils permettent d’intégrer les rôles avec un certain panache. De la distinction extrême des chaussures, jusqu’à la pointe des couvre- chefs, chaque bout d’étoffe est à lui seul un défilé de projections scéniques fantasmagoriques. Elles déterminent et valorisent dans cet arc en ciel de couleurs, les intentions de cette mise en scène. On reconnaît bien ici, la pâte si particulière de Michel Fau. Une volée de chaise, quelques portes mystérieuses, une toile de fond au blason d’or, « Qui s’y frotte, s’y pique… », etc. Malheureusement, tout ce beau monde et quelque peu agglutiné en front de scène dans le décor minimum de la première partie. Heureusement, le second volet ouvre l’espace pour faire dans le monumental : bouche rocheuse colossale cauchemardesque, haut galion de carton-pâte tombé des cintres, lignes hypnotiques aspirantes pour l’éloignement. Toutes ces différentes compositions de décor sont saisissantes.
Mise en scène – Michel Fau | © Praskova
Dans la compréhension de cette pièce d’Hofmannsthal si ambivalente, l’esthétique musical du divin Strauss se déverse dans l’exagération et le raffinement, jusqu’à rappeler les travers outranciers d’une société viennoise en décadence.Elle accentue cette relation de comédie de meurs dans un cocon de richesse, à des phrases grandiloquentes et ridicules. Le Majordome de (Florian Carove), snob et grinçant à souhait en est l’apothéose. On note aussi le monologue plaintif et déversant d’Ariane (Katherine Broderick). Dans le même état d’esprit d’excès, elle s’apitoie sur son sort dans un legato sans fin, proche de l’étouffement.
Le Bacchus de Robert Watson malhabile en scène et incertain ce jour-là, déploie pourtant avec force un timbre mat et puissant, idéal pour ce répertoire allemand. L’évolution probable de cette voix pourrait déboucher vers un Tristan, à condition de consolider une musculature de projection encore capricieuse. Ce sont les accents mordorés, d’une délicatesse tendre du Compositeur (Hongni Wu), épousant à merveille les entrelacs mélodiques divins de son rôle, qui ont déclenché chez le public des larmes de bonheur. Une osmose ressentie entre cette artiste musicienne et sa connexion à l’œuvre. La Zerbinette (d’Hila Fahima) n’est pas en reste, d’une pétulance lumineuse, grimée de rubans et de plumes feux cacatoèsques, elle s’élance sans faillir vers les cieux de la tessiture. C’est dans un crépitement inouï et ininterrompue de vocalises éreintantes, qu’elle nous éblouit.
La suite de la distribution, très homogène, s’affaire avec verve sur le plateau. William Dazeley ( le Maître de musique ), Arlequin (Mikolaj Trabka), le Maître à danser (Manuel Nunez-Camelino), Scaramouche (Alexander Sprague), Truffaldino (Alexander Crawley) et Brighella (Antonio Figueroa). On notera le trio vocal imperturbable des gardiennes du fil : Samantha Gaul (Naiade), Julie Pasturaud (Dryade), et norma Nahoun (Echo) et, celui du trio animalisé : le Perruquier huppé et zébré de (Jean-Philippe Elleouête-Molina), le Laquais distingué au minois de chat( Laurent Sérous) et, celui de l’Officier (Hyoungsub Kim) aux influences canines certaines. Enfin l’Hermès muet au sourire énigmatique de Benjamin Kahan, véritable statue antique de chair frémissante.
Chacun des deux tableaux apporte ici son lot d’exaltations à travers le flot musical génial de Richard Strauss. Mais il élève aussi cette production, à un moment de joie et de grâce que l’on ne peut dissocier de cette mise en scène attractive, appropriée et solaire. On a tant besoin d’esthétique et de beauté sur un plateau, ce que tant de metteurs en scène occulte ! ¶
Praskova Praskovaa
Ariane à Naxos, de Richard Strauss (1864 – 1949)
Opéra en un acte et un prologue sur un livret de Hugo Von Hofmannsthal
Créé à Vienne, Hofoper, le 4 octobre 1916
2 h30 avec entracte
Chanté en allemand, surtitré en français
Direction musicale : Christian Arming
Orchestre national Montpellier Occitanie
Mise en scène : Michel Fau
Reprise de la mise en scène : Tristan Gouailler
Décors et costumes : David Belugo
Lumières : Joel Fabing
Création, maquillages : Pascal Fau
Cheffe de chant : Juliette Sabbah
Régisseur de production : Mireille Jouve
Régisseurs de scène : Xavier Bouchon, Julien Barla
Surtitres : Richard neel
Régisseuse surtitres : Tessa Thiéry
Distribution:
Katherine Broderick (Primadonna / Ariane), Robert Watson (Ténor, Bacchus), Hongni Wu (le Compositeur), Hila Fahima (Zerbinette), William Dazeley (le Maître de musique), MikolajTrabka (Arlequin), Manuel Munez-Camelino (le Maître à danser), Florian Carove (le Majordome), Alexander Sprague (Scaramouche), Nicolas Crawley ( Truffaldino), Antonio Figueroa (Brighella), Samatha Gaul (Naïade), Julie Pasturaud (Dryade), Norma Nahoun (Echo)Laurent Sérous ( le Laquais), Jean-Philippe Ellouêt Molina (le Perruquier), Hyoungsub Kim ( l’Officier), Benjamin Kahan ( Hermés).
Nouvelle production du théâtre du Capitole, Opéra Orchestre Montpellier Occitanie.
Opéra Comédie * 11 bd Victor Hugo* 34000 Montpellier
Dimanche 10 avril à 17 heures, Mardi 12 avril et jeudi 14 avril à 19 heures
Réservations : https://www.opera-orchestre-montpellier.fr/





