Pèlerinage Svetlanov à Moscou
Plusieurs journalistes français se sont déplacés à Moscou pour découvrir « Univers – Svetlanov! », festival inédit dédié au 90ème anniversaire de Maestro. Voici l’une des plus belles revues qui reflète l’atmosphère chaleureuse du festival.svetlanov-evgeny.com/…/pelerinage-svetlanov-a-moscou
Suite au prestigieux concours de chefs d’orchestre Evgeny Svetlanov 2018 à Radio France, voir L’attribut des chefs, c’est afin de rendre hommage à ce musicien russe d’exception du XXème siècle, que Marina Bower a créé le festival « Univers – Svetlanov! ». Dans un esprit novateur de hardiesse et de liberté, elle a organisé cet événement à Moscou au célèbre conservatoire Tchaïkovski, lors d’un « Crazy Weekend » selon ses mots. Treize concerts et deux Master-Class se sont déroulés à un rythme effréné autour d’expositions remarquables en mémoire du Maestro.
C’est une orgie musicale d’excellence qui déferle sur la capitale effervescente de la grande Russie. Siège du pouvoir et de l’église orthodoxe, cette ville cosmopolite et tentaculaire fut bâtie par Yvan le Terrible. Avec un village en son centre, cette mégapole mutante montre une image orgueilleuse et active du pays celle d’une mère « la Moskva matouchka ». C’est donc vers cette terre natale que Marina Bower s’est penchée, afin d’offrir à la ville son premier festival de musique classique international dans l’écrin historique du conservatoire Tchaïkovski. A cet effet, créatrice et muse incontestée de cette manifestation, également imprésario, elle s’est entourée d’une pléiade de musiciens invités. En corrélation avec l’Orchestre du conservatoire Tchaïkovski, l’orchestre symphonique des jeunes de l’Oural, de la phalange nationale symphonique d’État de Russie Evgeny Svetlanov, et de la Capella d’État de Russie Alexander Yurlov. Se sont ajoutés : artistes lyriques, jeunes chanteurs ou instrumentistes impétueux, chefs majestueux ou en devenir. Tout ce beau monde de professionnels de la musique s’est rassemblé pour célébrer la mémoire vive du grand maître, dans une fête de cœur et d’âme. Une ambiance russe frénétique, avec une avalanche de concerts en un seul lieu saint qui allègue tant de noms incontournables de l’histoire de la musique. Au cœur de la cité, ce bâtiment imposant compte nombre de salles boisées pourvues d’orgues muraux, et de halls aérés aux effluves baroques vêtus de tons pastel, de bleu, de blanc et d’or. Artistes russes, et autres fervents admirateurs de Svetlanov ont répondu à l’appel. Ils se sont précédés dans la plus haute maîtrise de leur art, afin d’exprimer leur ferveur et leur soutien à cette initiative. Tel le caractère trempé de son mentor, c’est avec passion que Marina Bower réhabilite, à sa manière, l’être combatif et inspiré qu’elle a connu. Le Chef d’honneur du Bolchoï et de l’Orchestre d’état de Russie qui fut éconduit par une administration implacable après 35 ans d’état de services, de tournées triomphales à l’étranger, de plus de 3000 enregistrements et de compositions qui ont marqué le patrimoine musical post-romantique russe. On ne peut donc rester insensible à la lettre emprunte de dignité qu’il adressât à Vladimir Poutine lors de cette injustice.
La voix du destin
Marina Bower s’est concentrée sur un programme attractif, essentiellement slave et polyvalent. Il attire un large public tant il est diversifié au centre même de son fil conducteur, « l’Homme Svetlanov ». Chaque prestation apporte sa propre originalité avec un titre poétique. Il éveille l’intuition d’une atmosphère sonore où la pensée peut s’échapper et dériver. Les petites formations occupent les salles intimes Rachmaninov, Miaskovsky ou la petite salle, et les ensembles symphoniques s’installent dans la somptueuse salle Tchaïkovski. Chaque concert possède aussi un nom évocateur qui nous insuffle l’histoire de ce festival. Notamment « Souvenirs », « Ma France », « Le rendez-vous qui n’a pas eu lieu… », ” Les anneaux de la mémoire” et « La promesse » d’être là, faite par le génial quatuor Borodine ! On rejoint diverses formations de musique de chambre, tel que le trio opus 50 de Tchaïkovski « A la mémoire d’un grand artiste «, ou « Passions » pour le quintette de La truite, ou encore « Un léger souffle d’Amérique » à aspirer avec le clarinettiste aux aigus cristallins Andrea Fallico. Sur la planète de l’ impro on se laisse emmener par l’éclectique pianiste Yaron Herman, « L’homme-Univers » pour un voyage aux élans de Jazz, et pourquoi pas sur un thème de Svetlanov !
Aucun hasard ici que des archets hors norme. Le renversant violoncelliste Alexandre Kniazev et son précieux comparse le sublime violoniste Vadim Repin. Le raffiné Dmitri Makhtin et l’élégant Michael Guttman, le violoncelliste Alexandre Roudine avec son homonyme grave le contrebassiste Grigori Krotenko accompagnés de l’altiste chaleureuse Ellina Pak. Tous sont unis dans une même harmonie aux côtés du quatuor Borodine. Il en va de même pour les pianistes. Une ovation pour l’inégalable Boris Berezovsky interprétant avec panache le concerto n°1 de Tchaïkovski, là même où il a été créé par le compositeur. Sans chef pour conduire ce grand classique du répertoire, maître Boris redonne au premier violon sa fonction initiale : celle de transmettre les départs et la ligne, obligeant ainsi chaque instrumentiste à puiser dans sa personnalité et sa musicalité pour magnifier l’ensemble. C’est à la suite du trio diabolique de Tchaïkovski avec Vadin Repin et Alexandre Kniazev, que l’incroyable chambriste Andrei Korobeinikov entraîne notre esprit dans la démence géniale de sa conscience musicale. Il se livre alors corps et âme dans la Suite ardente n°1 opus 5 des Fantaisies- tableaux, de Rachmaninov en une joute pianistique avec l’éclatante française Christie Julien. Portée par cette énergie quasi divine, celle-ci transcende de sa fougue l’approche du clavier soliste au féminin. (Brigitte Engerer aurait adoré !). Il ne faut pas oublier deux autres jeunes pianistes ardents: Leonid Gourevitch, Julia Siciliano, voire la délicieuse harpiste Oksana Sidyagina. Des voix aux timbres denses se sont également élevées dans l’enceinte sacrée. Yana Ivanilova soprano, et Marina Domachenko mezzo avec Les Chants et danses de la mort de Moussorgski. Ces Immenses artistes sont tous animés de la même flamme, celle d’un don absolu d’eux même, celle d’une éthique musicale puissante, et d’un travail personnel incessant afin d’atteindre cette perfection dont ils rêvent, nous étonnent et nous émeuvent.
Tous pour un…
Quatuor Borodine | © Emil Matveev
Dans le registre symphonique, celui des « Anneaux de la mémoire », on se laisse hypnotiser par la battue visionnaire du jeune chef réputé Kalle Kuusava, lauréat 2014 du dit concours. Pour l’anecdote, il décide de diriger ici en mémoire du Maestro une de ses pièces favorites le Prélude du Rêve de Géronthios d’Elgar, tout en fermant sa partition afin de transcender son imagination. Sans laisser s’évanouir son intuition, il clôt son inspiration d’un bis impromptu frémissant avec une Valse de Tchaïkovski. C’est avant ces salves magistrales qu’il nous a fait aussi découvrir avec l’orchestre symphonique ultra performant des jeunes de l’Oural, la création mondiale admirable du compositeur René Koering dédicacée à l’icône Svetlanov. A ce sujet, cet ouvrage saisissant d’intensité aux éclats de lune sibériennes a déclenché en moi une image frappante : celle d’un enfant aux rêves chaotiques et prémonitoires endormi dans une isba. Trois autres chefs marquants ont apporté leur appui à ce témoignage musical vibrant. Roberto Fores Veses à l’attention magnétique influant sa pensée sur le bel orchestre du conservatoire, et Lio Kuokman baguette Svetlanov 2014 en lévitation artistique. Porté par la grâce du soliste Dmitri Makhtin qui frôle de son archet l’onde nostalgique du divin poème pour violon de Svetlanov, le chef embrase de son élan le son de l’Orchestre National. Galvanisé, il investit finalement l’espace sonore avec une version éblouissante et colorée de Petrouchka. Roberto Trevino également lauréat brillant du même concours en 2010, nous a envoûté par la sérénité de son charisme, et l’acquisition spectaculaire de ses capacités à faire vibrer cet orchestre mythique. Lors de « La Voix du destin » il partage le sucés avec le violoniste fringuant Vadim Repin enivré de brio dans le concerto de violon de Prokofiev. Suite à cela, il conduit l’oeuvre complexe de Rachmaninov Les Cloches emportant avec lui les voix chamarrées de la Capella d’État de Russie (un chœur étourdissant dirigé par Gennady Dmitriak), et trois jeunes artistes lyriques enthousiastes aux timbres clairs et exaltants.
Une part belle aux souvenirs et à l’enseignement…
Entre-calé entre ces moments musicaux, il y avait aussi des expositions, des animations, des conférences, des écoutes diverses et vidéos du Maestro afin de partager ensemble les témoignages fervents de ceux qui l’on connut. Pour ne rien oublier il y avait aussi une part belle pour l’enseignement qui lui tenait tant à cœur. C’est en ce sens qu’une Master Class captivante de direction d’orchestre avec l’éminent chef Alexander Vedernikov fut ajoutée à cet agenda chargé. Homme aux fonctions multiples, spécialiste du concert et de l’opéra, ce chef principal de l’orchestre symphonique d’Odense, ex directeur musical et chef principal du Bolchoï, demeure une personnalité rare, forte et sereine qui forme et prodigue aussi sa pédagogie. Ayant pu assister à ce travail passionnant, j’ai pu appréhender avec d’autres apprentis chefs exaltés : le lac enchanté opus 62 de Liadov joué avec deux pianos, et l’île des morts de Rachmaninov interprétée avec orchestre.
Marina Bower et les artistes | © Emil Matvee & Dmitriy Korobeynikov & Praskova
Cette première édition marque le caractère détonnant et unique de cet événement. Un pari réussi par l’organisatrice Marina Bower pour mettre en place ce festival trépidant et fusionnel avec la Russie qui a vu défiler tant de Stars et de Tsars. Dans ce flot musical déchaîné, les sens restent encore aux aguets. Épuisés d’émotions ils écoutent encore malgré eux la musique du silence revenu, celle qu’on attendra encore et celle qui reviendra toujours. Il ne suffit pas d’entendre, il faut comprendre, c’est aussi ce que nous demandent les artistes formidables de cette planète Svetlanov tourbillonnante. Un cheminement musical sacré qui passe par une ville riche de trésors qui nous incite à rêver en déambulant le long de la Moskova sous les fenêtres du Kremlin, et pourquoi pas à prier au cœur d’une croix grecque sous des enluminures célestes. Longue vie au festival ” Univers – Svetlanov ! ». ¶
Praskova Praskovaa
https://www.svetlanov-evgeny.com/
https://www.francemusique.com/
Festival Univers – Svetlanov!
Conservatoire Tchaîkovsky de Moscou
10 – 11 novembre 2018, Crazy Weekend
Créatrice et Directrice artistique du Festival
Madame Marina Bower
Organisateurs
Le festival est organisé par le concours international e chef d’orchestre Evgény Svetlanov
Il est soutenu par le Conservatoire de Moscou, le Festival Transsibérien des arts, le Musée de Moscou, l’Agence artistique « Olga Aleksandrova
Management », Radio France, la Fondation Evgeny Svetlanov, la chaîne TV russe Kultura , Radio Orpheus, ainsi que par Medici.TV.
La production exécutive du festival est confiée à l’Agence de communication et de concerts « Turne » (Moscou) représentée par sa Directrice générale
Madame Galina Golubova.
Treize Concerts, deux Master Class
Grande salle Tchaïkovski, Petite salle,
Salle Rachmaninov, Salle Miaskovsky
Chefs d’orchestre de renommée inernationale
(Lauréats des éditions précédentes du Concours Svetlanov.)
Lio Kuokman
Robert Fores Veses
Kalle Kuusava
Roberto Trevino
Orchestres
Orchestre national symphonique d’État de Russie Evgeny Svetlanov
Orchestre du Conservatoire Tchaïkovski de Moscou
Orchestre symphonique des jeunes de l’Oural
Ensembles de musique de chambre
Quintette à vent ” Modus Vivendi” du conservatoire Tchaïkovski de Moscou
Quatuor Borodine
Chœur
Capella d’Etat de Russie Alexander Yurlov dirigé par Gennady Dmitriak
Chef d’orchestre (Master Class)
Alexander Vedernikov – Chef principal de l’Opéra Royal Danois
Chef principal de l’orchestre d’Odense (Danemark)
Ex- directeur et chef principal du Bolchoi
Compositeur (Création mondiale) Les cercles de la mémoire
René Koering
Artistes
Violon – Vadim Repin, Dmitri Makhtin, Michael Guttman
Alto – Ellina Pak
Violoncelle – Alexander Kniazev, Alexandre Roudine
Contrebasse – Grigory Krotenko
Piano – Boris Berezovsky, Andrei Korobeinikov, Yaron Herman (jazz), Julia
Siciliano, Leonid Gourevitch
Harpe – Oksana Sidyagina
Chant – Yana Ivanilova, Marina Domachenko, Ekaterina Morozova, Bogdan
Volkov, Petr Migunov
Coin souvenirs
Expositions et animations
Hall de la Grande salle et foyer de la Grande salle Tchaïkovski
Exposition « L’Anthologie des enregistrements d’Evgeny Svetlanov
Exposition « Evgeny Svetlanov – compositeur »
L’Exposition du Musée de Moscou
Kiosque musical avec les étudiants du conservatoire de Moscou
Enregistrements
Vidéo légendaires d’Evgeny Svetlanov
Coin des souvenirs Salle Miaskovsky
Diffusion des enregistrements de concerts avec Svetlanov
Diffusion de documentaires
Programme
Concerts du 10 novembre
I – ” A la mémoire d’un grand artiste ” 12H (Grande salle Tchaïkovski, 50 min)
II – ” Ma France ” 13h30 (Salle Rachmaninov, 1h)
III – ” Souvenir ” 15H (Petite salle, 1h)
IV – ” Un léger souffle d’Amérique ” 17h30 (Petite salle, 1 h)
V – ” Hommage ” 19H (Grande salle, 2h avec entracte)
VI – ” Passions” 21h30 (Petite salle, 1 h)
Master Class de direction d’orchestre Alexander Vedernikov, le 10 novembre
A – Master Class avec deux piano – 10h00 (Salle Rachmaninov)
B – Master Class Orchestre symphonique d’Etat de Russie Evgeny Svetlanov – 13h00 (Grande salle)
Concerts du 11 novembre
VII – “Les anneaux de la mémoire” 12H (Grande salle Tchaïkovski, 55 min)
VIII – “Chants et danses de la mort” 13h30 (Petite salle, 1h)
IX – “Svetlanov – compositeur” 15H (Salle Rachmaninov, 1h)
X – “La promesse” 16h30 (Petite salle, 1h)
XI – “La voix du destin” 18H (Grande salle, 1h30 avec entracte)
XII – “L’Homme-Univers” 20H (Jazz en hommage à Svetlanov, Salle Rachmaninov, 1h)
XIII – 1 ère partie “Le rendez-vous qui n’a pas eu lieu…” 35 min ; – 2 ème partie ” En hommage à la planète Svetlanov ” (Grande Salle) 52 min





