« Otello », de Giuseppe Verdi (version concert). Direction Lawrence Foster. Opéra et Orchestre national de Montpellier.

Badri Masuradze | © Praskova

Ecrit par Praskova Praskovaa

Fév 2010

 Badri Masuradze : divin Otello !

 

Beaucoup d’émotion lors de cette dernière d’Otello à l’Opéra Berlioz de Montpellier.  En effet, la production sous la direction de Lawrence Foster, haute en couleur, tant dans la distribution internationale des solistes, que dans la performance de l’orchestre et des chœurs, a été sous le sceau de la réussite et du partage. 

Sur un livret d’Arrigo Boito, le mélodrame de Shakespeare se présente dans une progression musicale continue. Par le biais de la voix, Verdi exprime l’ensemble des passions dans une tradition stylistique plutôt classique, loin des grands mouvements de l’âme orchestrale d’un Wagner. Pari gagné pour Montpellier, qui s’est positionnée en misant sur cette facette lyrique du drame, et non sur une mise en scène probablement coûteuse n’apportant pas, à coup sûr, un plus dans la représentation de l’œuvre.

Pour cette version concert, les solistes permutent en front de scène. On profite ainsi de la mise en œuvre des capacités physiques et techniques des artistes, comme à un cours de chant. Chacun d’entre eux, dans une sobriété appropriée nous livre une version concentrée de son rôle, sans emphase, sans chichis, dans une interprétation juste et dans une gestuelle minimale.

Les seconds plans se tiennent, et réalisent entre eux une symbiose fluide, reflétant par leur timbre, la couleur caricaturale appropriée de chaque personnage. On citera le Cassio de Mauricio Pace, dans une intonation claire, légèrement désincarnée mais engagée, et le Lodovico solide et coriace de Christian Helmer, une voix à suivre… Barbara Haveman (Desdemona), engage sa prestation avec un peu de fragilité dans le soutien et la justesse, mais elle possède une couleur lyrique douce et lumineuse qui convient à merveille à ce rôle angélique. C’est au cours des pages qu’elle conquiert notre attention par sa délicatesse, jusqu’à nous offrir un Ave maria final bouleversant. Sergey Murzaev (Iago), habite son rôle dans une pondération ténébreuse incroyable, avec une austérité qui force l’admiration. Imprimant à son articulation une robustesse vocale sûre, il fait vibrer chaque mot avec cynisme, révélant ainsi les méandres du drame qui se trame. Il sera ce soir-là, le héros du public.

Quant à l’Otello de Badri Maisuradze, il montre deux aspects essentiels de l’art lyrique. En premier point, ce chanteur dispose d’une technique à couper le souffle, allant de la pleine puissance au plus infime des piani. Il déverse un légato ininterrompu et, sur un souffle mourant, il susurre du bout des lèvres sa propre mort au bord de la cassure vocale. Divin ! Deuxième point fort : son engagement dramatique. Transcendant son rôle, il se transforme peu à peu dans son interprétation du capitaine maure, jusqu’à une forme de divinisation de lui-même. Le public aurait certainement préféré un Otello montrant moins d’affectation, mais l’art ne s’embarrasse pas d’émotions conventionnelles.

Il faut saluer aussi la performance des choristes qui nous ont proposé dans ce répertoire italien, sous la houlette de Noëlle Geny, une palette sonore ample et éblouissante. Le chœur d’enfants d’Opéra junior n’est pas en reste, il s’intègre avec sérieux et justesse au cœur de cette production digne d’une grande maison.

A la direction, Lawrence Foster nous offre une version survoltée de cette œuvre qu’il connaît parfaitement. L’orchestre atteint là un niveau technique forçant l’admiration, avec notamment, des traits de contrebasses pianissimi difficiles à réaliser. Le maestro très impliqué entraîne son monde avec attention et fermeté, dans une rigueur qui ne favorise pas toujours la souplesse des tempi lors des interventions vocales des solistes. Se laissant envahir par la fougue Foster fait éclater les phases orchestrales denses aux sonorités cuivrées. Galvanisant, mais dure à vivre pour les solistes qui finissent par s’époumoner.

Praskova Praskovaa

 

Otello, de Giuseppe Verdi

Opéra en quatre actes

Livret d’Arrigo Boito, d’après le drame de Shakespeare

Créé à la Scala de Milan, le 5 février 1887

Version de concert

Direction musicale : Lawrence Foster

Chef de chœurs : Noëlle Geny

Othello : Badri Maisuradze

Desdemona: Barbara Haveman

Iago: Sergey Murzaev

Emilia : Muriel Souty

Cassio: Mauricio Pace

Rodrigo: Franck Bard

Lodovico: Christian Helmer

Montano : Alec Avedissian

Un Araldo / Un héraut : Laurent Sérrou

Orchestre National de Montpellier-Languedoc-Roussillon

Chœurs et chœurs supplémentaires de l’Opéra National de Montpellier Languedoc-Roussillon

Chœurs d’enfants Opéra junior

Chef de chœur : Valérie Sainte Agathe-Tifaine

Le Corum • Esplanade Charles de Gaulles • 34967 Montpellier

Réservations : 04 67 60 19 99

www.opera-montpellier.com

Le 31 janvier, 2 et 9 février 2010

Durée : 2 h 50

18 € – 60 €

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