« La Fille du Régiment », de Gaetano Donizetti. Direction Jean-François Verdier. Opéra et Orchestre national de Montpellier

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Ecrit par Praskova Praskovaa

Jan 2010

Un régiment aux anges

 

C’est dans la bonne humeur et dans une certaine « légèreté » vocale que débute cette année 2010 à Montpellier. Qu’on se le dise, une de nos gloires nationales est bien un compositeur Italien.

En 1840, Donizetti lassé du manque de reconnaissance dans son propre pays s’installe en France. Prodigue, il met en place, avec l’aide de son complice le célèbre ténor Adolphe Nourrit, plusieurs œuvres aux consonances italiennes et à la tournure bien française « Lucia de Lamermoor », etc. Devenant vite un des personnages emblématiques de la salle Favart, il compile avec une virtuosité flamboyante des ouvrages en associant des recettes littéraires et musicales. Celles-ci vont donner naissance à l’un des fleurons de l’opéra-comique « La file du Régiment ».

Quel plaisir de retrouver l’Opéra Comédie, son intimité rougeoyante et son acoustique moelleuse. La salle vibre comme une ruche, et l’ambiance bonne enfant annonce déjà une soirée amusante. Dès l’ouverture, le jeune chef français Jean-François Verdier soliste clarinettiste par ailleurs, ouvre les hostilités. Il nous livre là une version étourdissante et renouvelée de cet opéra-comique tant joué. Imposant dans sa direction un style d’une précision extrême par le raffinement de sa battue et l’allant de ses tempi, il permet à l’orchestre de se déployer avec entrain dans une fluidité dynamique. Une mise en bouche tout à fait délicieuse, un chef à suivre !

Le décor de Pier Paolo Bisleri est dépouillé, animé par des toiles de couleurs (un peu dans le style des peintures romantiques de Caspar Friedrich David). La mise en scène de Davide Livermore est un peu potache, genre soirée petits soldats de plomb et ambiance festive de corps d’armée ponctuée de pétards… Finalement, on se demande si l’effondrement du lustre massif sur le piano à queue de la marquise de Birkenfeld n’est pas le seul point fort de cette mise en scène somme toute classique…

Le chœur d’hommes à la part belle, il est un soliste à lui tout seul. L’ensemble dirigé par Noëlle Genny atteint un bon niveau d’équilibre entre la pâte sonore, les couleurs, la fluidité des ensembles et le jeu de scène abordé avec humour et tempérament. Les choristes sont aux anges, et ce n’est pas pour déplaire au public.

La distribution, elle, a ses joies et ses failles. Monica Tarone (jeune protégée de Ricardo Muti) en Marie offre un début vocal un peu frêle, mais sa tonicité musculaire se bonifie tout au long de sa prestation. Malgré une implication scénique enjouée dans ce rôle masculinisé de vivandière, elle s’épuise dans une gestuelle qui lui fait perdre beaucoup d’énergie. S’essoufflant, elle manque de projection dans les passages rapides, notamment les cabalettes*. Néanmoins, pourvue d’un joli timbre de lyrique léger, pur et charnel, elle nous fait vibrer dans les romances par un legato doux et enchanteur. Sa voix ne serait-elle pas déjà trop lyrique pour ce rôle ? Malgré des qualités musicales indéniables, son manque d’articulation gomme en partie la compréhension du texte. On s’interroge tout de même sur ce qu’elle pourra proposer de plus dramatique dans le IIIe acte de Traviata en juin 2010 ?

Son compagnon de scène, le jeune ténor Manuel Munez Camelino (Tonio), survole son rôle avec dynamisme et décontraction. Il en donne une version séduisante avec des aigus étincelants et quelques jolis piani, qui ne peuvent qu’attendrir sa dulcinée et un public charmé. La marquise de Birkenfeld, rôle de composition impérial, interprété par Hanna Schaer dans une clarté d’émission et de souplesse vocale incroyables, nous permet avec éclat de réfléchir sur la longue gestation technique du métier de chanteur. Elle nous convie à un cours de simplicité vocale. François Harismendy (Sulpice) offre une prestation sobre, sans éclat particulier. On regrettera beaucoup qu’Evgueniy Alexiev, magnifique baryton lyrique, soit pratiquement muet dans le rôle d’Hortensius qu’il exécute pourtant avec maestria et esprit. Mais que diable, n’est-il pas ici en contre-emploi. 

 

Praskova Praskovaa

 

 

La fille du régiment, de Gaetano Donizetti

Opéra-comique en deux actes

Livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et Jean-François Bayard

Créé à l’Opéra Comique en 1840

Production Fondazione Teatro Lirico Giuseppe Verdi de Trieste

Direction musicale Jean-François Verdier

Mise en scène et lumières Davide Livermore

Décors Pier Paolo Bisleri

Costumes Gianluca Falaschi

Etudes musicales Muriel Bérard

Chef des Chœurs Noëlle Geny

Avec : Monica Tarone (Marie), Manuel Nunez Camelino (Tonio), François Harismendy (Sulpice), Hanna Schaer (la marquise de Birkenfeld), Evgueniy Alexiev (Hortensius), Gilles Yanetti (la duchesse de Crakentorp), Mathias Foin-Dannreuther (le duc de Krakentorp), Laurent Sérou (un capitaine), Frédéric Varenne (un paysan)

Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon

Chœurs et chœurs supplémentaires de l’Opéra national de Montpellier Languedoc-Roussillon

Décors et costumes réalisés par la Fondazione Teatro Lirico Giuseppe Verdi de Trieste.

Opéra Comédie• Place de la Comédie • 34967 Montpellier cedex 2

Réservations : 04 67 60 19 99

Http:// www.opera.montpellier.com

25 et 29 décembre, 3, 5, et 7 janvier 2010

Durée : 2 h 50

45 € – 22 €

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