Séducteur scintillant
C’est à l’occasion de la dernière conférence musicologique de la saison montpelliéraine 2009, que j’ai voulu rencontrer le jeune et scintillant chef d’Orchestre Français, Alain Altinoglu. Âgé de 34 ans, premier chef invité à l’Opéra et Orchestre National de Montpellier depuis 2007, il mène avec brio une carrière, symphonique, lyrique et pianistique sur notre territoire et entame déjà, avec panache, une carrière internationale. Son charisme en a fait une figure incontournable de notre panorama musical français, un talent à suivre…
Depuis sa venue à l’orchestre national de Montpellier, il a soufflé un vent de fraîcheur sur la programmation musicale de la ville. Cette saison aura été illuminée par sa présence magnétique et par la variété de ses prestations dont la voix semble être le fil conducteur. Son éventail sonore est parfaitement éclectique couvrant le grand répertoire, en laissant une place prépondérante à la musique actuelle, ainsi qu’à des œuvres peu jouées ou méconnue du grand public. Son allure est celle d’un séducteur romantique, un peu comme les personnages de Stendhal, des boucles brunes encadrant un visage attrayant où perce un regard clair, vert limpide. Une voix posée profonde, couleur émeraude, un débit de paroles dense et enjoué.
Praskova – Maestro ! « du bist der Lenz. » (Vous êtes le printemps ») Que ne suis-je Sieglinde pour m’exclamer ainsi ! Vous semblez remplir avec enthousiasme vos doubles fonctions de chef et conférencier en musicologie ?
Alain Altinoglu – Oui c’est avec joie. Il me paraît essentiel d’offrir à un public averti ou de néophytes, un panaché de notre patrimoine musical, du classique à l’inédit, en leur offrant quelques clefs indispensables pour leur permettre d’intégrer le monde très élitiste de l’opéra.
Praskova – Quelle est votre vision de la direction d’orchestre ?
Alain Altinoglu – Tout est dans la levée, c’est un acte prémonitoire, l’anticipation de ce que l’on doit jouer, comment on doit le jouer et à quel tempo ! Le métier de chef s’apprend sur le tas. Hormis les paramètres techniques – temps de répétition, ambiance et stress -, en général il suffit de quatre à cinq répétitions pour créer la synergie sonore entre les différents pupitres et la symbiose nécessaire avec le chef, « et ce, afin que tout le monde chante de la même manière ». A mon sens, si mon bras droit offre le tempo technique à l’ensemble, mon corps et mon esprit impriment le caractère artistique personnel et original à l’œuvre, ce qui est le plus important à mes yeux.
Praskova – Ayant abordé la direction après avoir été chef de chœur et chef de chant, vous avez accompagné et formé nombre de choristes et solistes. Quel est votre regard sur l’enseignement du chant en France ?
Alain Altinoglu – Oui, en effet, j’ai commencé à 16 ans comme accompagnateur pendant quatre ans en région Parisienne, puis au conservatoire de Paris dans la classe de Christiane Eda- Pierre. Au conservatoire, les années 1980 ont eu de grands noms du chant : Crespin, Berbié et bien d’autres. Il est vrai qu’on ne peut enseigner sérieusement le chant sans avoir été sur scène. D’un autre côté, bon chanteur ne veut pas forcément dire bon professeur ! A ce sujet, le chant est pour moi la seule discipline musicale où il existe une véritable interactivité entre le professeur et l’élève, même si l’alchimie ne marche pas toujours.
Praskova – Que pensez- vous des jeunes chanteurs qui sortent avec un prix de conservatoire et n’ont aucune expérience de l’espace scénique et de la projection vocale ?
Alain Altinoglu – C’est un problème que nous essayons de résoudre. Nous avons créé au conservatoire de Paris un ensemble vocal afin de faire travailler les jeunes chanteurs avec de vrais metteurs en scène, de suivre un chef, d’apprendre les ensembles d’opéras, de s’écouter et même d’appréhender la mélodie ou le lied dans un contexte scénique, car en tout effet de cause, l’expression du chant passe par la scène.
Praskova – Auriez-vous aimé chanter un rôle ?
Alain Altinoglu – Non je suis un mauvais chanteur. Finalement, je suis tellement chanteur que mon imagination n’a pas pu aller jusqu’à le faire.
Praskova – Ha, je croyais que le technicien son était obligé de couper votre micro lors des conférences de peur que vous ne chantiez les notes avec l’orchestre, ou pire, que vous ne respiriez si fort avec vos musiciens qu’on ne les entende plus.
Alain Altinoglu – Oui, c’est d’ailleurs un défaut que j’avais lorsque j’ai dirigé mon premier opéra Don Giovanni, je respirais plus fort que la musique.
Praskova – Que rêvez-vous de diriger ?
Alain Altinoglu – Wagner que je n’ai pas encore abordé : Tristan, Parsifal, le Ring…
Praskova – Votre carrière dans le lyrique semble d’ores et déjà avancée. Avec la notoriété, quelles sont les scènes qui vous attendent déjà sur votre planning ?
Alain Altinoglu – En effet, je très suis heureux d’aller approfondir mon expérience professionnelle avec différents orchestres, en prime à l’étranger, car c’est un bon moyen pour moi de rencontrer des mentalités et des façons de travailler différentes, et d’acquérir en même temps un gain de maturité.
Mon emploi du temps des 4 ans à venir est déjà bien engagé : Salomé pour Bastille, Mireille pour Chorégies d’Orange, Carmen pour le Métropolitan et Chicago, la Flûte enchantée pour Munich, Faust au Staatsoper de Berlin ; Faust, Roméo et Juliette et Falstaff au Staatsoper de Vienne, etc.
Praskova – L’Opéra de Montpellier est en tête de liste des grandes maisons françaises avec de superbes infrastructures pour travailler, un orchestre en évolution constante et 23 millions de budget annuel. Vous devez y séjournez jusqu’en 2010, nous réservant bien des œuvres magnifiques en perspective. Mais où irez-vous donc vous poser en 2012 ? Mis à part Bastille je ne vois que l’étranger ?
Alain Altinoglu – Chut ! C’est un secret, mais pas très loin.
Praskova – Un souvenir musical d’enfant ?
Alain Altinoglu – Ma mère était pianiste, et je ne savais pas encore lire. Ce fut mon premier déchiffrage à 5 ans, celui de la méthode rose avec ce pouvoir surhumain de lire et jouer en même temps. Cette sensation unique ne m’a jamais quitté : lire et déchiffrer est ce que je préfère, plus que travailler techniquement une mesure au piano !
Praskova – Avez-vous un hobby ?
Alain Altinoglu – Les échecs.
Praskova – Un antistress ?
Alain Altinoglu – Facebook.
Praskova – Un breuvage qui vous rend meilleur?
Alain Altinoglu – Le thé vert.
Praskova – Une dernière phrase dans la tragédie de Salomé de Schmitt, à propos de la danse des perles?
Alain Altinoglu – ” Dans cette introduction, les bois ravissent aux cors le premier temps.” ¶
Praskova Praskovaa
Concert symphonique
Schmitt, la Tragédie de Salomé, opus 50
Debussy, le Martyre de saint Sébastien
Vendredi 15 mai 2009 à 20 h 30, samedi 16 mai 2009 à 17 heures
Direction : Alain Altinoglu
Soprane : Guylaine Girard
Récitante : Dorte Lyssewski
Opéra national de Montpellier • le Corum • esplanade Charles-de-Gaulle • BP 2200 • 34027 Montpellier cedex
30 € à 14 €
Réservation – Billetterie de l’Opéra Comédie et billetterie du Corum (allée des Républicains-Espagnols) le lundi de 14 heures à 18 heures, du mardi au vendredi de 12 heures à 18 heures
– location@orchestre-montpellier.com
Prochains rendez-vous :
Festival d’Aix en Provence : Jacques Offenbach « Orphée aux enfers »
Théâtre de l’Archevêché du 5 au 20 Juillet
Festival de Radio France Montpellier le 24 Juillet 2009,
Concert Des tubes… rien que des tubes
Programme de l’ONM sous la direction d’Alain Altinoglu en 2008 – 2009
- Opéra : Aïda,Verdi
- Au piano : Quintette en fa mineur pour piano et quatuor à cordes, Franck
- Concert- Fénelon, Chopin, Bernstein, Bridge
- Concert du nouvel an : Beautés slaves, Figures du siècle (Lutoslawski, Schoeller, Lindberg)
- Opéra : Sancta Susanna Hindemith, Le Château Barbe-bleue, Bartok
- Musique de films : Les colonnes sonores






