« Elektra », Richard Strauss. Direction Sébastian Weigle, Debora Polaski. Liceu. Barcelone

Elektra | © Antoni Bofill

Ecrit par Praskova Praskovaa

Fév 2008

Debora Polaski, dernier acte pour une légende 

 

Séjour magique à Barcelone avec Richard Strauss. Quel plaisir de retourner au Liceu après sa rénovation effectuée depuis l’incendie terrible qui a ravagé le théâtre en janvier 1994. Tout ici est  neuf, doré, rouge, rutilant, propre. Les fauteuils sont moelleux et l’acoustique ne semble pas avoir souffert des travaux, si ce n’est dans l’émission des voix qui semble avoir perdu quelques harmoniques graves, et récupérée quelques échos de ré-verbe.

Ce théâtre privé à 80% draine un public d’abonnés qui rassemble, semble-t-il , l’Intelligentsia barcelonaise. Peu d’étrangers ce soir- là, malgré l’écoute d’une œuvre phare, et celle d’une claque lourde et cadencée sous l’influence certaine d’une  longue tradition de Flamenco. Deux heures de musique génialissime en un acte.

” Entousiasmos” en Grec signifie, transport divin… (à cultiver)

Je passerai rapidement sur la mise en scène et le décor d’une grande sobriété, qui ne sont là que pour mettre en valeur le mythe de Sophocles en l’adaptant au livret d’ Hofmannsthal. Il laisse pour ainsi dire tout pouvoir d’interprétation aux trois rôles féminins. Ce que ne peuvent contrebalancer les deux rôles masculins, et notamment celui d’Albert Dohnen (Orest), malgré une voix de baryton-basse magnifique. Le reste de la distribution est parfaitement homogène.

Les 115 musiciens qui constituent l’effectif du philharmonique du Liceu, bénéficient de la direction souple et continue de Sébastian Weigle. Elle est emprunte de puissance et de délicatesse. La masse orchestrale, tantôt en bloc granitique, tantôt en groupuscule, ne couvre jamais les voix et offre au bloc vocal toute liberté de s’épanouir. La ligne vocale envoutante que propose le compositeur tout au long de cet opéra est un émerveillement pour l’auditeur.

Le maestro, Sebastian Weigle, a bien lu les dix commandements du métier de chef d’orchestre tiré du  livre d’or de Richard Strauss . Il semble se soumettre avec pertinence au troisième :                    ” Dirige, Salomé et Elektra, comme s’ils étaient de Mendelssohn, de la musique de fée.”

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Elektra| © Teatro del Liceu

       Elektra n’est pas une bonne fée  

Deborah Polaski dans le rôle d’Elektra est inouïe de timbre. Ses prouesses vocales vont de l’extrême puissance, au plus suave des piani. Cette fausse douceur se retrouve dans sa performance scénique complètement magnétique. Accompagnée d’une économie gestuelle, elle se rend saisissante dans ses interventions scéniques, voire machiavélique. Elle transmet une espèce de fureur contenue proche de la folie qui la rend, à l’heure actuelle, sans égale dans ce rôle.

Eva Marton (Klytemnestra), indigne et sarcastique se joue des difficultés de cette partition qu’elle connait parfaitement. Elle fait sonner sa voix dans une inflexion chaude, rauque légèrement voilée de fausse mezzo, celle d’une mère cruelle sur le retour. Elle qui a tant chanté le rôle d’Elektra (la fille) en qualité de soprane, s’est substituée avec délice à cette métamorphose. Sa prestation scénique est étourdissante. Allongée sur un sofa sous un parasol, elle se prélasse en prenant des airs alanguis, mimant avec cynisme sa retraite de demain. (Pour de vrai !)

Que dire de plus sur Mélanie Diener (Chrysotémis). Il est vrai que partager la performance avec deux monstres sacrés du lyrique nécessite des moyens exceptionnels et quoi qu’il en soit , une prestation vocale technique sans faille pour ne pas déséquilibrer l’ensemble. Malgré une voix de soprane plus légère, quoi que…, cette magnifique cantatrice nous abasourdit par l’étendue et la plénitude de sa tessiture.

Après une ovation sans fin pour cette immense cantatrice sur le départ, Débora Polaski, il n’en reste pas moins que la distribution féminine d’exception de cet Elektra magistrale, a comblé l’ensemble de mes fantasmes vocaux en une seule  fois !

Praskova Praskovaa

 

 

 

 

 

Elektra, de Richard Strauss

Direction : Sebastian Weigle

Elektra : Debora Polaski (dernière prestation de carrière)

Klytemnestra : Eva Marton

Chrisotémis : Mélanie Diener

Oreste : Albert Dohnen

Orchestre philharmonique du Liceu

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