« Tannhäuser », de Richard Wagner. Direction Seiji Ozawa, mise en scène Robert Carsen. Paris-Bastille.

Tannhauser | © Opéra-Bastille

Ecrit par Praskova Praskovaa

Déc 2007

Ozawa au Zénith !

Tant de belles choses en 4 heures 25 pour cette nouvelle production dirigée par la baguette lumineuse de Seiji Ozawa et un orchestre en osmose parfaitement rodé. Une mention spéciale revient au chœur de Bastille dirigé par Peter Burian. En effet, depuis son accession à ce poste, ce magicien forge cet ensemble en lui conférant une couleur incroyablement pleine et puissante. Une remarque s’impose pourtant dans le cas de cette oeuvre:    peut-être aurait-il fallut songer à quelques voix supplémentaires dans le pupitre des ténors.

La mise en scène de Robert Carsen et les décors de Paul Steinberg dépoussièrent cet opéra de jeunesse du grand maître. Ils avivent la volupté dans un atelier de peintre démesuré où la chaire et la sensualité s’exposent. Ainsi, en dépit de l’écriture harmonique plus classique que celle d’un Tristan, etc., cette vision scénique offerte libère nos pulsions charnelles et nôtre ressenti d’auditeurs

La distribution des solistes est parfaitement homogène : Béatrice Uria-Monzon déesse du Vénusberg, s’ébroue dans une nudité absolue. Libre, cynique, enjôleuse et morbide, elle déverse son désarroi dans une couleur vocale puissante, rauque voire charnelle, en dépit d’une prononciation germanique approximative.

Le chœur: artistes et peintres possédés sont enchaînés à un sortilège démoniaque. Ils finiront nus au Ier acte, se roulant dans des seaux de peinture sanguine autour de la couche majestueuse de leur déesse. Le tableau dégénéré offrant au regard une véritable orgie d’ivresse.

Au second acte, lors du retour des pèlerins, les tableaux deviendront des croix, et redeviendront des tableaux de maîtres en exposition au troisième acte. Subtil, cette procession continuelle du nombre: choristes, croix, tableaux , se déverse dans un flux  impressionnant emplissant le plateau et l’espace, ..

Pour une prise de rôle, l’Élisabeth d’Eva-Maria Westbroeck est solide, d’une grande sobriété. Elle symbolise à merveille la chasteté, la piété et la dévotion. Il y a dans cette femme dédoublée, la dualité omniprésente de la pureté et du désir charnel qui s’affrontent.

Le groupe des six poètes, issus d’un parfait équilibre vocal, nous délivre de beaux moments de musique à travers une grande vaillance vocale.

Mattias Goerne, (Wolfram), nous offre une prestation magnifique dont l’aboutissement sensuel s’accomplit dans la romance de l’Etoile d’une délicatesse absolue.

Enfin Stephen Gould (Tannhäuser), le poète insatiable otage des charmes de Vénus, est pourvu de solides moyens. Tout au long de l’œuvre, il nous dévoile avec vigueur un timbre ravageur qu’il fait éclater au dernier acte. Captivant ainsi l’auditoire, il reçoit en retour de nombreux rappels lors des quarante minutes de saluts.

Il me semble avoir fini ce séjour culturel à Paris épuisée avant de repartir pour Bruxelles pour un  réveillon gouleyant : noix de Saint-Jacques poêlées aux truffes, arrosées de château Yquiem 1960… Mémorable !

 

Praskova Praskova

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